Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
America! America!
20 mai 2016

Pauvreté

863082-09

 

Pour aborder le sujet de la pauvreté, le travail de Désirée Van Hoek:

Désirée Van Hoek, la face cachée de Los Angeles

La photographe néerlandaise a travaillé pendant six ans sur le quartier de Skid Row à Los Angeles. Mégapole des stars, la ville abrite aussi plus de 2000 personnes d'une extrême pauvreté vivant sur les trottoirs.

http://www.liberation.fr

Pourtant, nul besoin de se rendre dans des quartiers spécifiques pour voir des pauvres. Plus de 16% de la Californie vivrait en dessous du seuil de pauvreté (l'état le plus pauvre étant le Mississipi). Les sans-abris sont partout, sans doute parce que Los Angeles est une grande ville, qui fabrique ses pauvres, et les attire aussi. Dans tous les quartiers se profile la silhouette de quelqu'un, jeune ou vieux, homme ou femme, poussant un lourd chariot contenant tous ses biens. On passe devant des sans-abri allongés sur des bancs, quand ils ne sont pas à même le sol, car l'insécurité d'une grande ville la nuit les oblige à dormir la nuit. Ce qui nous frappe est l'état souvent épouvantable de ces personnes: chaussures éculées, vêtements archi-sales, air hagard. Beaucoup parlent avec véhémence à un interlocuteur invisible, peut-être les effets du crack ou simple démence causée par une vie sordide. Les parcs publics abritent toute une population de pauvres cachés dans les bosquets, très en retrait, soucieux de se faire le plus petit possible, avec leur tente. Le quartier de la gare compte des dizaines de tentes dans les espaces verts et sur les ponts qui enjambent la highway.

téléchargement

Pour vivre, beaucoup récupèrent bouteilles en plastique et canettes dans les poubelles publiques, pour les revendre à des récupérateurs. A la fin de la journée, certains sans-abris en ont de pleins sacs.

Que fait-on pour les aider? Il y a un peu d'aide de l'état, et beaucoup d'associations, bien souvent religieuses, mais pas coordonnées, qui fournissent une aide adaptée localement. On voit de véritables soupes populaires dans des quartiers qui se transforment à jour fixe en cour des miracles tant l'afflux est important. La société américaine aidera quelqu'un qui montre des signes de vouloir s'en sortir, mais laissera tomber celui qui semble se contenter de son sort.

Les villes sont embarrassées de ces pauvres qui souvent boivent ou fument, alors elles rivalisent d'imagination pour les éloigner: à Santa Monica, ville proprette, il y a une loi qui interdit de fumer si on est à moins de 20 mètres d'un magasin. On ne peut pas boire dans la rue, ce qui fait que si on veut le faire, il faut cacher sa bouteille dans un "brown bag" (sac en papier marron). Et maintenant, les bancs sont comme ça:

images parce que c'est moins facile de dormir dessus...

Eric Garcetti, le maire de Los Angeles, qui a depuis son élection en 2013 mené une action répressive visant plus à repousser les sans-abris qu'à trouver des solutions d'aide, a annoncé qu'il fallait trouver 100 millions de dollars pour à court terme construire des logements d'urgence et à plus long terme construire des maisons à des prix plus abordables, les loyers ne cessant d'augmenter, et les quartiers abordables ayant tendance à disparaître au profit de nouveaux quartiers rénovés pour les riches. Le Smic devrait progressivement passer de 9 à 15 dollars.

Comment devient-on SDF ici? Les filets de sécurité sont presque inexistants: vous pouvez perdre votre emploi du jour au lendemain, même si vous êtes prof, car les contrats sont "at will", c'est à dire au bon vouloir de votre supérieur. Vous pouvez arriver le matin à votre travail, et ne même pas avoir le temps de poser vos affaires, car on vous annonce que vous avez fini de travailler ici. On se souvient aussi que des millions de personnes ont perdu leur maison lors de la crise des subprimes car ils ne pouvaient plus rembourser leur prêt à montant révisable qui avait soudain fait un bond. Les associations caritatives signalent que les habitués sont depuis quelques années des infirmères, des ingénieurs, des assistantes sociales qui ont subi les coupes sombres dans le budget de l'état. 

Ces nouveaux pauvres sont parfois, heureusement pour eux, connectés au monde moderne: c'est ainsi que nous avons vu un SDF à Starbucks avec une tablette, et à San Francisco, un autre SDF faisait un selfie! Merveilleux monde moderne!

Les petits boulots qu'on voit ici - agitateur de pancartes publicitaires aux carrefours, aide à la mise en sac des achats à la caisse du supermarché, sont défendus par certains Américains, car même si ces boulots sont précaires et mal payés, ils sont un moyen d'être dans la société pour des gens qui n'en sont qu'à la marge... Bien sûr, ces petits boulots veulent aussi dire exploitation...

Aux feux, on voit aussi des SDF qui montrent un panneau sur lequel est écrit "US Veteran". Il y a 25 millions d'anciens militaires aux Etats-Unis, dont 1.6 million ont combattu en Irak et en Afghanistan. Les vétérans américains (combattants du Vietnam, d'Iran et d'Afghanistan), qui ne constituent que 11% de la population américaine adulte, représentent cependant 1/4 des sans-abri. La " National Alliance to End Homelessness" estimait en 2006 qu'il y avait 195 827 vétérans sans-abri. Le taux de suicide est chez cette population des vétérans plus de deux fois plus élevé que dans la population ordinaire. La crise économique ne les a pas épargnés, et de retour aux USA, les vétérans d'Irak et d'Afghanistan ont été frappés par le chômage, avec un taux de 9,4 % en 2013. De multiples facteurs peuvent expliquer les difficultés de réinsertion des vétérans: marginalisation par leur vécu, appréhension des employeurs à l'embauche, difficulté de réintégration sociale et familiale agravée par les problèmes de drogue et d'alcoolisme en lien direct avec les traumatismes découlant de la guerre - une personne sur six souffre de trouble de stress post-traumatique aux manifestations variées. Ces anciens soldats sont donc des personnes relativement vulnérables qui, une fois rentrées de mission, doivent à nouveau se faire une place dans une société dure. On ne peut pourtant pas dire que les vétérans soient oubliés par leur pays. Roosevelt avait initié le "GI Bill of Rights", une loi permettant aux anciens soldats de la deuxième guerre mondiale de reprendre leurs études entièrement aux frais de l'état, de se loger à moindre coût grâce à des prêts très avantageux. Reagan créa le Ministère des Anciens Combattants, avec un volet d'aide médicale, un volet de soutien social, et un dernier assurant la gestion des cimetières nationaux. Ce ministère gère aujourd'hui 153 centres médicaux, 875 cliniques, 232 centres de soutien ("Vet Centers"). S'y ajoutent des réductions d'impôts et une assurance de 6 à 24 mois de durée. Obama s'est penché sur la question dès son premier mandat en demandant une évaluation du système, en augmentant le budget du Ministère des Anciens Combattants de 15% - il représente 159 milliards de dollars, soit l'équivalent du quart du budget de la défense américaine- et en faisant voter une loi sur "l'embauche des héros", qui accorde des avantages fiscaux aux entreprises embauchant d'anciens combattants. Deux associations, "Homes for our Troops", et "Volunteers for America", aident aussi au relogement des vétérans. Le gouvernement américain fait incontestablement beaucoup, mais le nombre de personnes bénéficiant des services du Ministère des Anciens Combattants ne cesse de croître, car les Américains ont fait beaucoup de guerres ces dernières années: près d'un million de soldats ont été déployés sur le terrain en Irak et en Afghanistan depuis 2001, et sont donc éligibles aux prestations offertes aux anciens combattants. En outre, la population des vétérans du Vietnam a vieilli (entre 60 et 70 ans aujourd'hui), ce qui entraîne davantage de soins médicaux. C'est en effet la prise en charge de ces vétérans parmi les premiers de l'Amérique (des pensions sont encore versées à des veuves de plus anciens vétérans comme ceux de la guerre Hispano-américaine, les deux guerres mondiales, la guerre de Corée) qui coûte le plus, à raison de 17 milliards de dollars par an. Les études montrent que la prise en charge des vétérans atteind un pic dans les quarante années suivant un conflit. En conséquence, le traitement des dossiers médicaux a 4 mois de retard, et un scandale a éclaté depuis qu'on a découvert qu'un système parallèle à Phenix avait été mis en place pour cacher les délais d'attente, coûtant la vie à une quarantaine de personnes.

10005598_1509865542593760_1631606112_nPhoto Pablo Unzeata, Instagram (les anciens combattants de LA.)

Le fossé entre les classes sociales ne cesse de croître et s'exprime par la tentation sécuritaire: les "gated communities", ces résidences fermées qui étaient autrefois réservées aux classes élevées, se sont multipliées. Il y en a dans tous les quartiers: on y entre après avoir décliné son identité.

images (1)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
America! America!
Publicité
Archives
Publicité