New York, New York
Notre imaginaire est tellement saturé d'images des emblèmes de la ville de New York - Statue de la Liberté, Empire State Building, Time Square et ses écrans géants, taxis jaunes, gratte-ciel brillants comme des miroirs, Soho, Greenwich Village etc... - qu'on se demande si, après tout, on pourra être surpris, ou si on ne sera pas déçu par la réalité.
La réponse est NON!
C'est une ville très étonnante. Pourquoi?
C'est une ville de contrastes:
- D'abord, grand ou petit? - les problèmes d'échelle. Quand on prend le ferry touristique qui mène à l'Ile où est posée la Statue de la Liberté, on a une vue avec beaucoup de recul sur le sud de Manhattan. De loin, les tours semblent assez gigantesques, mais quand on revient vers le quai et qu'on s'en rapproche, l'ensemble semble de taille moyenne, et fait décors de studio.
Vue du ferry ou depuis Liberty Island, la ville semble monumentale.
De plus près, les bâtiments semblent beaucoup plus petits, presque modestes!
Effet inverse avec la Statue de la Liberté. Vue depuis le ferry, à bonne distance, elle semble assez petite, et on se demande avec inquiétude si on n'a pas fait une montagne d'une taupinière.
Une fois qu'on en est plus proche, on se rend bien compte que ce n'est pas une statue de parc public.
Une riche idée que les Américains ont eu de la placer sur une île, à l'embouchure de l'Hudson, sur un haut piedestal qui la magnifie. Comme elle est française cette statue de femme qui incarne la Liberté éclairant le monde, en toute simplicité! Double cocorico, car la pierre du socle qui supporte la statue est de la pierre de Crazanne, dont les carrières se trouvent à une cinquantaine de kilomètres au sud de La Rochelle (vous avez forcément traversé cette carrière si vous avez déjà pris l'autoroute Paris-Bordeaux).
- Un style architectural? Verre, brique, pierre, acier: modernité et classicisme, environnement urbain.
Pas d'uniformité de style architectural dans cette ville:
* Style georgien du XVIIIème siècle (style principal des pays anglo-saxons, du nom des 4 Georges qui ont régné entre 1714 et 1830) et Victorien (période de la Reine Victoria, 60 ans plus tard): brique et pierre, couleurs rouge, brun, et blanc.
* Style néo-gothique: bâtiments du XIXème siècle dans un style inspiré des codes architecturaux du Moyen-Age. Pierre claire, ou un peu ternie.
Trinity Church, Brooklyn Bridge, style néo-gothique.
* Style gratte-ciel: tout est possible
Grands gratte-ciel récents à façade de miroir.
Style Beaux-Arts (néo-classique éclectique) du Flatiron building, "le fer à repasser", aussi immeuble de Spiderman, qui a dû prendre une forme triangulaire pour épouser la forme de la seule intersection qui ne soit pas à angle droit de New York, le croisement de la 5ème avenue et de Broadway. C'est un vieux gratte-ciel (1902). Sa structure est en acier.
Forme pyramidale d'un gratte-ciel derrière l'arche de Washington, à Washington Square. Cette construction avec les étages supérieurs en retrait apparut quand la législation sur la construction des immeubles en fonction de la taille de la parcelle se durcit. L'Empire State Building (années 30) est aussi construit comme ça.
Vous vous rappelez, le pauvre King-Kong réfugié en haut de la tour, et attaqué de toute part?
Et la construction dans les années 30 se souciait peu de la protection du travailleur...
* Style international
Walt Disney Concert Hall. ONU.
Pas d'harmonie de style veut-il dire pas d'harmonie? Non. La juxtaposition des styles, des formes ne pose pas de problème. On se demande quand même comment des bâtiments qui ont été construits sans plan d'ensemble, à différentes époques, dans des styles très marqués, peuvent former un ensemble aussi réussi... C'est comme si vous mettiez un bob, une robe couture, et des bottes de pluie...
- Ancien temps et modernité: présent / passé. Y être, ou pas...
Vue depuis Ellis Island, "the Isle of tears", où s'effectua de 1892 à 1954 le contrôle de l'immigration: dedans/dehors, avant/après, pour 12 millions de personnes. On trouve donc encore des Américains qui ont transité par Ellis Island, ou dont les parents l'ont fait.
L'arrivée après une soixantaine de jours en mer devait être assez impressionnante, et la vision de la Statue de la Liberté devait ajouter de la solennité au moment, sans doute grave, pour beaucoup, car grande était la peur de ne pas être accepté sur le sol américain. Par le fait, il y avait peu de chance d'être refoulé (2% des candidats l'étaient, essentiellement si on les avait repérés comme malades ou s'ils avaient un profil de futur assisté social ("liable to public charge"). Cependant de vrais drames eurent lieu sur l'île, quand par exemple, raconte une dame qui témoigne de son expérience via l'audio-tour proposé, la vieille grand-mère qui n'avait qu'un ongle incarné pour toute maladie fut renvoyée au pays alors que toute sa famille restait, ce qui revenait à un adieu.
Arrivée à Ellis Island, qui a des airs de petit palais, mais cache un univers carcéral qui n'est pas sans rappler Alcatraz: construction sur plusieurs niveaux, avec une coursive intérieure donnant ici sur des salles, à Alcatraz sur des cellules, même structure susceptible d'amplifier le bruit d'une foule nombreuse, mêmes carrelages "hygiéniques" couleur beige typiques des bâtiments publics.
Le musée qui occupe maintenant les lieux expose des documents d'époque - lettres, certificats médicaux, listes de personnes - et des objets ayant appartenu aux migrants - valises, objets précieux, jouets, effets personnels - donnés par des familles au musée.
Les témoignages enregistrés puisent parmi les souvenirs des anciens migrants, qui ont tous été marqués par ce passage, soit par l'orange qu'ils avaient mangé pour la première fois, soit par l'adieu déchirant à l'aîné, même si celui-ci n'avait que l'âge de raison.
Charlie Chaplin dans The immigrant (1917), et Elia Kazan, dans America, America ( 1963) ont donné un visage à l'immigrant venu d'Europe et au-delà.
On lit sur ces visages l'attente, l'anxiété ou la joie à l'approche de cette Terre Promise.
La ville moderne
Times Square, la "Place de l'époque" si on veut, ainsi nommée parce que le premier siège du New York Times était là, est bien la place des temps modernes: écrans géants, lumières voyantes, happenings permanents... Sans doute les immigrés d'Ellis Island n'auraient pas reconnu leur New York...
Effet miroir avec l'écran géant. Vous nous voyez à l'écran?
- Culture, subculture, nature...
* La culture pure
Le MET (Metropolitan Museum) est assez ancien (1872). Il contient deux millions d'oeuvres d'art, au sens classique, comme tableaux, sculptures et antiquités gecques et romaines, mais aussi temple Egyptien, morceaux de cathédrales, vêtements, armures, arts décoratifs etc...
Il y a aussi le MOMA (Museum of Modern Art), et le Guggenheim Museum. Nous ne les avons pas faits, ayant vérifié par nous-même le principe selon lequel le petit enfant n'est pas spontanément attiré par le Guggenheim Museum...
* Subculture: au sens américain, rien de péjoratif au mot de "subculture", "sous" renvoyant ici à une simple sous catégorie. Les sous-cultures s'opposent à la société de classe, refusent la société de masse, se démarquent par leur excentricité.
La subculture est sous nos yeux à Greenwich Village, 181 West 4th Street, où nous logeons pour la semaine. Juste en face de chez nous, qui sommes au premier étage, un salon de tatouage. Nous y voyons beaucoup de tatoués qui viennent se faire faire un nouveau tatouage, devant nos yeux, car pour se faire de la pub, le tatouage se fait en direct juste derrière la vitrine. Un homme assez costaud est entré, déjà ultra tatoué de partout. Du coup, on s'est un peu demandé ce qu'il voulait de plus, quant il a levé les bras et a désigné dessous les aisselles pour le futur tatouage. C'était tout ce qui restait comme place! Et puis il y a beaucoup de couples qui viennent se faire tatouer en même temps. Ils ressortent l'air super content.
Greenwich village, "the village", est résidentiel, et assez différent du reste de la ville. Le plan cadastral ne s'y applique pas partout. Pas mal de mouvements culturels avant-gardistes sont partis de là (y compris le mouvement de libération gay dans les années 70) et il y a beaucoup de galeries d'art et de théâtres expérimentaux. La Gay Pride, qui a lieu le dimanche 25 juin, est un grand moment du village.
* Nature
Washington Square
Superbe jardin que ce jardin sous la terre duquel reposent 20 000 âmes, indigents ou victimes de la fièvre jaune au début du XIXème siècle...
Ajourd'hui, on se prélasse sur ses pelouses ou on y joue aux échecs.
Central Park
Peut-être encore plus incroyable que le reste. Hyper géométrique, très aménagé, en contraste extrême avec les gratte-ciel qui l'entourent.
Franchement à couper le souffle. Incroyable dans sa rectangularité parfaite.
Il a fallu 20 ans pour faire ce parc qui était un marais transformé en dépotoir et en lieu d'élevage de cochons. Des ouvriers ont charrié des montagnes de terre, arasé les rochers, pour en faire ce miracle de nature.
Sculpture d"Alice au Pays des Merveilles.
Un manège du parc, mais pas celui de Volte-face!
- Ville américaine, ville cosmopolite
Chinatown
Très authentique Chinatown, avec de vrais magasins et de vrais habitants, de vrais candidats du coin aux élections pour le Sénat ou la Chambre des représentants.
Beaucoup, beaucoup de nationalités à New york, et une ambiance décontractée, comme dans toutes les grosses villes américianes que nous avons fréquentées. Les Américains sont calmes, et très polis, même dans les grandes villes. On peut leur envier leur tempérament placide, leur capacité à vivre ensemble. Il y a un fort lien social ici, et une véritable culture de l'entr'aide. Dans toutes les situations un peu critiques que nous avons traversées - nos multiples crevaisons, les bobos des enfants - il y a toujours eu quelqu'un pour s'arrêter, demander si quelque chose pouvait être fait, si on allait bien. Dommage que cette très bonne attitude n'inspire pas le système de santé ou d'assurance, où c'est chacun pour soi, mais le sens de la responsabilité personnelle l'emporte dans ces domaines.
Dans le sens inverse, chevelus et barbus....
It's us! We didn't steal anything!